Défendre le printemps
vénézuélien
ATTAC
- Le Grain de sable
N° 391 - Vendredi 27 décembre 2002
Contre la désinformation
sur le Venezuela
Nos amis d'Attac
Venezuela, et d'autres mouvement sociaux de ce pays - en particulier le secteur
extrêmement actif des médias communautaires - nous adressent l'appel qui suit,
et que nous pensons indispensable de faire largement connaître. Il contient un
très garnd nombre d'informations que les médias français ne répercutent pas.
Au Venezuela, les grands
moyens d'information sont devenus des organes putschistes, des fomenteurs de guerre
civile. Même à la veille du coup d'Etat de Pinochet au Chili en septembre 1973,
l'ennemi n° 1 du gouvernement légal de l'Unité populaire, le quotidien "El Mercurio"
n'était jamais allé aussi loin. Il pourrait même faire figure de modèle de déontologie
quand on le compare aux radios et télés commerciales et aux quotidiens de Caracas.
C'est pourquoi, lors du
prochain Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre (23-28 janvier 2003), nos
amis d'Attac de plusieurs pays d'Amérique latine (notamment du Brésil et du Venezuela)
ont prévu, les 27 et 28 janvier, un séminaire et divers ateliers sur la Révolution
bolivarienne. Dans ce cadre, un "Mur de la honte médiatique vénézuélienne" exposera,
sans commentaires, des Unes de quotidiens de Caracas. De même, seront diffusés
en boucle des extraits de programmes des télés commerciales. Les participants
au FSM, et en particulier les très nombreux journalistes présents, pourront ainsi
avoir une idée de l'ampleur d'un bourrage de crâne que n'aurait pas renié Goebbels,
et auquel sont soumis les citoyens du Venezuela. Malheureusement, par facilité,
par absence de vérification des informations ou par hostilité au processus de
réforme en cours, trop nombreux sont les médias d' autres pays qui relaient cette
propagande grossière (1).
L'honneur de la profession
est sauvé par les médias alternatifs ( "chavistes" ou non ) qui, au prix de risques
physiques considérables, s'efforcent de fournir une couverture honnête de la situation.
Bernard
Cassen, coordinateur de la commisssion internationale d'Attac(1)
Ainsi
toutes les manifestations hostiles à Chavez, qui rassemblent effectivement beaucoup
de monde, sont largement évoquées, ce qui est normal. Ce qui, en revanche, est
anormal, c'est que les manifestations favorables à Chavez (qui rassemblent régulièrement
au moins 2 fois plus de gens), sont systématiquement reléguées en "'brèves" ou
ignorées. De même l'expression "grève générale", constamment utilisée, n'est pas
exacte. La grande majorité de la population n'est pas en grève, même si le hold-up
des hauts cadres de la compagnie pétrolière nationale PDVSA sur ce secteur stratégique
rend la situation très difficile. On dit aussi trop rarement que le patronat vénézuélien
s'est engagé à payer les salaires des "grévistes", ce qui en dit long à la fois
sur la nature de la "grève" et sur les marges de manoeuvre financière des employeurs.
A supposer, évidemment, qu'ils tiennent parole.
Appel
du mouvement social vénézuélien au monde entier
"Défendre le printemps
vénézuélien"
Pour le droit des citoyens á l' information
Nous mouvements sociaux
vénézuéliens, ATTAC Venezuela, Association Nationale des Medias Communautaires,
Alternatifs et Libres, Réseau Vénézuélien des Médias Communautaires, Coordination
paysanne Ezequiel Zamora, adressons un appel urgent aux citoyens du monde entier.
Une fois de plus la Maison
Blanche ne cache pas son désir de voir un président, un gouvernement et un parlement
démocratiquement élus interrompre leurs mandats. Une nuit d'images tombe sur le
monde entier, occultant notre expérience de démocratie participative sous le masque
d'un pays ingouvernable-chaotique-où-il-faut-d'urgence-intervenir.
En réalité, si le Venezuela
bouge et bouillonne aujourd'hui, c' est d'une parole citoyenne critique, multiple,
contradictoire. Les exclus de la mondialisation prennent enfin la parole. Des
millions de vénézuéliens jusqu' ici bâillonnés par un apartheid qui les considérait
comme une plèbe violente, ignorante, se construisent `a présent une véritable
citoyenneté. En 1989, l'explosion populaire du "Caracazo", sévèrement réprimée,
avait déjà sonné le rejet des mesures néo-libérales par le peuple vénézuélien.
Celui-ci veut s'engager aujourd'hui dans un nouveau chemin : la démocratie participative.
L'élection de Chavez en
1998 a confirmé ce renouveau.
Conscients de nos droits
et de nos devoirs nous exigeons de nos gouvernants, non seulement qu'ils soient
élus démocratiquement mais qu'ils gouvernent démocratiquement. Fort(e)s de notre
Constitution Bolivarienne -une des plus démocratiques du monde, nous légalisons
les terres des immenses quartiers populaires, inspectons les chantiers scolaires
ou le matériel des hôpitaux, fortifions notre pouvoir de décision en élisant les
nouveaux Conseils Locaux de Planification, créons des radios et des télévisions
communautaires indépendantes du pouvoir politique, luttons pour la distribution
des terres aux paysans pauvres, pour le contrôle public des ressources pétrolières
et pour l'extension des Droits de la Femme, qui est ici à la pointe du changement
social.
Ce printemps citoyen a
sonné l'offensive tous azimuts de l' équipe Bush, qui finance l'opposition vénézuélienne
dans sa reconquête du pouvoir.
En avril 2002 cette opposition
avait déjà voulu stopper ces avancées citoyennes par un coup d' Etat, suspendant
toutes les instances démocratiques et déclenchant une répression meurtrière contre
les secteurs populaires. La CTV, une des directions syndicales les plus corrompues
d'Amérique Latine, le haut clergé, le haut patronat, les médias commerciaux, les
cadres supérieurs de l'entreprise pétrolière PDVSA pressés de privatiser cette
activité ainsi que des multinationales, conspirent ici avec la complicité des
Etats-Unis et d'autres pays, comme l'Espagne. Tous unis pour renverser notre gouvernement
et mieux briser l'élan d'émancipation du néolibéralisme qui traverse l'Amérique
Latine depuis l'arrivée au pouvoir du Président Chavez et qui se poursuit avec
les victoires électorales de Lula au Brésil et de Lucio Gutierrez en Equateur.
La Révolution Bolivarienne
exprime le besoin de notre peuple de chercher des réponses concrètes aux problèmes
posés par la mondialisation, maintes fois exprimés à Porto Alegre, Seattle et
Florence. Une bonne manière de la défendre et de la consolider, c'est de faire
connaître dans le monde entier la réalité de notre processus et de faire respecter
votre droit à l'information bafoué par les grands médias.
Nous vous demandons de
vous manifester auprès des rédactions de vos journaux, radios, télévisions pour
que ceux-ci respectent enfin votre droit à l'information. Ecrivez, téléphonez,
faxez, envoyez vos mails. Nous venons nous-mêmes de nous rassembler par dizaines
de milliers, pacifiquement, devant le siège des télés commerciales, pour leur
demander de cesser la campagne agressive, raciste contre notre processus de changement.
D' autres types d' actions
sont possibles, et nous savons que dans le monde entier la solidarité alliée a
la créativité commence à changer le rapport de forces. De façon urgente nous vous
demandons aussi de vous manifester auprès d' organismes des droits de l'homme
pour leur demander de protéger ici les membres des médias communautaires que la
télévision commerciale ne cesse de cibler comme " terroristes ", parce qu´ils
sont nos seules sources d´information indépendante. Plusieurs d' entre eux, à
la suite de cette campagne, ont déjà été agressés par des brigades de choc de
l' opposition (Voir annexe)
Nous vous demandons aussi
d'exiger de vos gouvernements de respecter et de faire respecter le droit d'un
peuple de choisir le type de développement et de démocratie qu'il souhaite, et
de soutenir clairement le gouvernement légitime du Venezuela.
ATTAC-Venezuela, Red Venezolana
de Medios comunitarios, Asociacion Nacional de Medios Comunitarios, Alternativos
y Libres, Coordinadora Campesina Ezequiel Zamora. Mail : vensocialmov@hotmail.com
Annexe.
Ce que nous perdrions si la démocratie vénézuélienne
était brisée dans son élan.
1. Premières avancées
du gouvernement Chavez.
Reprise en main de l'industrie
pétrolière nationale jusqu'ici aux mains d'une caste privilégiée, pour la réorienter
au service du développement national. Amorce d'une réforme agraire et extension
de la zone de pêche réservée aux pêcheurs artisanaux, en vue de conquérir une
souveraineté alimentaire. Lancement d'un programme de scolarisation d'un million
d'enfants. Arrêt de la privatisation du secteur de la santé et de la sécurité
sociale. Démocratisation du capital á travers les prêts populaires (Banque de
la femme, Banque du Peuple, Fonds pour la Décentralisation). Lois des coopératives.
Loi sur les hydrocarbures. Loi de la Fonction Publique.
Construction de plus de
92000 logements sociaux, adduction d'eau potable `a des millions de vénézuéliens.
Baisse de la mortalité infantile de 2,1 % à 1,7%. Augmentation à 8% du budget
de la santé. Doublement du budget de l'éducation. Parmi tant d'autres "crimes",
le gouvernement du Venezuela n'a-t-il pas émis quelques critiques sur le Plan
Colombia et l'Initiative Andine? N'a-t-il pas suggéré que l'intégration de l'Amérique
latine était prioritaire par rapport à l'établissement d'une zone de libre échange
des Amériques, n'a-t-il pas noué des accords pétroliers avantageux pour les plus
pays les plus défavorisés des Caraïbes ?
2. Démocratie et pluralisme
de l'information.
Le Venezuela vit encore
sous la botte de groupes de communication transnationaux, dont le journaliste
et spécialiste de l' Amérique Latine Maurice Lemoine a étudié le rôle décisif
dans le coup d' Etat d'avril 2002. Médias racistes (vous n' y verrez aucun(e)
présentateur(trice) de peau noire, pour une population souvent d' origine africaine)
qui orchestrent une campagne pour créer le chaos, s' aidant au besoin de manipulation
subliminale et qui appellent toutes les minutes et dans un ensemble parfait, au
renversement du président "assassin, dictateur". Car ces médias vont jusqu'a mettre
en scène des morts pour pouvoir les attribuer à Chavez et justifier un nouveau
coup d' Etat .
Cette dictature médiatique
a poussé la population à créer ses propres médias. S' il est un signe palpable
de la sédimentation de la démocratie participative, c' est bien la multiplication
des médias communautaires. Les quartiers populaires ou vivent 80 % de la population
se dotent de radios et de télévisions, comme Catia TVe et Radio Perola à Caracas
ou Teletambores à Maracay. La voix des sans voix sort de la longue nuit de la
répression. Pendant des années, l'élite propriétaire du monopole des médias privés,
identifiée aux gouvernements, envoyait la garde nationale détruire le matériel
de transmission des médias populaires. L'élection de Hugo Chavez a mis un terme
à cette répression. A la différence d' autres pays ou les permis d' émettre supposent
de longues batailles légales, le Venezuela est aujourd'hui probablement le seul
Etat au monde à octroyer des fréquences, directement et pour plusieurs années,
aux communautés elles-mêmes. Le règlement de la Commission Nationale des Télécommunications,
(disponible en espagnol sur www.conatel.gov.ve ) définit la communauté comme seule
productrice du message, lequel ne peut en aucun cas etre asservi à des intérêts
politiques, religieux ou commerciaux. Ce règlement, négocié pendant des mois avec
les médias communautaires, insiste sur la formation audiovisuelle permanente comme
outil de prise de parole citoyenne. Un bond en avant pour la démocratie, qui signifie
aussi la possibilité de renouer avec les pouvoirs de l' imagination longtemps
écrasés par l' importation effrénée d'images étasuniennes.
C' est parce que les médias
communautaires sont les seules sources indépendantes d' information au Venezuela
qu' ils ont été la cible des putschistes en avril 2002. Torture, perquisitions,
arrestations, célébrées par les médias privés, pendant que Miguel Angel Martinez,
président de la Chambre de Radiodiffusion, signait en direct le décret des putschistes.
Venezolana de Television, seule chaîne publique au Venezuela, traitée d'" ordure"
par un des gouverneurs d' opposition, dut stopper ses émissions. L' échec du coup
d' Etat face a la mobilisation populaire n'a pas empêché les médias à poursuivre
leur objectif : rétablir leur monopole de l' information. Programmes ou articles
attaquent systématiquement depuis des mois les médias communautaires, les accusant
d'être à la botte du régime, ou d' abriter des "cercles de la mort". Réunis le
13 décembre dans un hôtel de Caracas, directeurs de quotidiens et de télévisions
dénoncent, comme dans les semaines qui précédèrent le coup d' Etat, l' existence
des médias communautaires et reconnaissent être investis d'une mission : empêcher
la mise sur pied d'un régime castro-communiste au Venezuela. Une semaine plus
tard un reporter de la Voz de Guaicaipuro est agressé par un groupe de choc de
l' opposition qui venait de l'identifier comme un membre d' un média communautaire,
et ne doit sa vie qu'a l' intervention de la police. D'autres médias ont vu leur
matériel de transmission détruits ou leurs ondes brouillées ( Etats d'Aragua et
de Zulia)
Nous demandons aux citoyens
du monde entier de dénoncer auprès des organismes de défense de la liberté d'
expression cette campagne systématique d' agressions qui contrairement a ce que
disent les grands médias n'est pas le fait de l´Etat vénézuélien mais des grands
groupes économiques transnationaux qui détiennent encore le monopole médiatique
au Venezuela.
source: http://attac.org/indexfr/index.html