"
Les gens du pétrole " dans le collimateur
L'Humanité,
France - 21 Janvier
2003. Envoyé spécial.
Caracas (Venezuela),
Secteur clé de l'économie
vénézuélienne, le pétrole subit une quasi-paralysie
depuis décembre, nécessitant des livraisons brésiliennes.
La perspective d'une guerre en Irak a poussé les Etats-Unis, premier client
du Venezuela, à s'investir dans la crise vénézuélienne
en s'invitant notamment au fameux " groupe des pays amis ", créé
à l'initiative du Brésil. La production pétrolière
actuelle reprend lentement et correspondrait officiellement à 40 % de son
niveau normal. Ce que conteste l'opposition. Le président Hugo Chávez
a déclaré vendredi que la production pourrait atteindre deux millions
de barils/jour " dans moins d'un mois ". Mais c'est la compagnie nationale
PDVSA (Petroleos de Venezuela SA) qui est aujourd'hui dans l'oeil du cyclone.
Fer de lance de la grève, " les gens du pétrole ", les
hauts cadres de la compagnie qui ont longtemps considéré PDVSA comme
leur domaine réservé, et une manne financière, ont pour bon
nombre d'entre eux fait l'objet de procédures de licenciement. C'est sur
le terrain judiciaire cette fois que le combat est engagé. Maria Alejandra
Diaz, avocate, travaille dans le cadre d'un recours introduit par l'un des gérants
de PDVSA, Félix Rodriguez, au nom d'un collectif de 2,5 millions de personnes
jugeant illégale la paralysie de l'activité pétrolière
et réclamant son redémarrage. Selon l'avocate, ce recours est "
très important pour normaliser l'activité, c'est un enjeu collectif,
car l'Etat dépend des revenus pétroliers ".
La haute direction de PDVSA
est visée, dont les membres ont assumé de " façon publique
la désobéissance civile, se sont absentés de leur lieu de
travail, ont commis un sabotage, des vols d'ordinateurs, de clés, de valves
et une infinité d'actes délictuels ". Ces dirigeants sont regroupés
sous l'appellation " les gens du pétrole ". Ils représentent
les cadres supérieurs et gagnent des salaires mensuels égaux ou
supérieurs à 20 millions de bolivares (salaire moyen au Venezuela
environ 190 000 bolivares). Maria Alejandra Diaz indique par ailleurs que, si
le recours aboutit, la décision devrait intervenir sous les 15 jours devant
le Tribunal suprême de justice, " la victoire serait alors symbolique,
permettant d'épurer l'industrie pétrolière et de prendre
des décisions plus radicales ".
Parmi les griefs figurant
dans l'enquête, il est également question de collusion d'intérêts
avec des pays comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni. " Le plus insolite,
ajoute l'avocate, est que ceux qui ont saboté l'industrie pétrolière
ont des intérêts à ce que des puissances étrangères
prennent possession de l'industrie nationale ". Selon la Constitution vénézuélienne,
tout ce qui est pétrole et gaz est " propriété non transférable
" de l'Etat. Ce qui veut signifier que le processus de privatisation souhaitée
par la direction frondeuse de la compagnie s'avère dés lors impossible.
Le Venezuela détient
environ 80 % des réserves d'Amérique du Sud. L'exploration offshore
est prévue le long de la côte maritime, à la recherche de
nouveaux gisements, nécessitant un transfert de nouvelles technologies,
que ne possède pas le Venezuela. De quoi contenter les opérateurs
étrangers, américains pour ne citer qu'eux, qui, par le biais du
plan Colombie, cherchent à contrôler le Venezuela et à ouvrir
une voie sûre pour l'exportation du brut colombien.
B. D.
source: http://www.humanite.presse.fr/journal/jour.html