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• Resolución del Foro Parlamentario Mundial sobre la situación en Venezuela
• ¿Qué pasa en Venezuela?
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• Lejana aún, la salida electoral a la crisis en Venezuela, asegura César Gaviria
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janvier - 2003
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• Le petit peuple est là
• Les vertueux correspondants de Reporters Sans Frontières au Venezuela
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• Un pieu au coeur de la démocratie
 
 
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Le petit peuple est là
B. Duraud, L'Humanité, France - 21.01.03.

Notre envoyé spécial dans les quartiers populaires de Caracas où la population se mobilise contre la droite anti-chaviste.

Caracas apparaît clivé plus que jamais entre les quartiers plus aisés de l'est, plutôt grévistes, et ceux du "grand ouest" déshérités, qui défendent le président élu et renforcent même la pression pour qu'il tienne toutes ses promesses électorales.

Depuis le 2 décembre dernier et le déclenchement de la grève par l'opposition, le temps a passé. Et Chavez est toujours là. Au prix fort de multiples entraves et de désagréments dans le quotidien de tout un peuple. Car tel est le parti qu'en a pris cette opposition, une résultante de l'oligarchie déchue du pouvoir il y a trois ans : la paralysie notamment de l'activité pétrolière si essentielle au pays, et l'étouffement afin, proclame-t-elle, de déloger le président élu. Quand vous débarquez à l'aéroport Simon-Bolivar, il vous vient aussitôt des flashes de ces interminables processions devant les stations à essence où l'armée fait bon ordre, de supermarchés pris d'assaut en prévision de pénuries. Ou encore de ce barrage de route à hauteur de la Guaira provoqué par des gens furieux de n'être plus livrés en gaz.

Cette action symbolique était une manière diffuse de rendre la monnaie de leur pièce aux grévistes " de la droite " imposant un régime de privations. Pour être sûrs d'être bien compris les habitants du quartier de la Guaira hurlaient en signe de défi : "Chavez ! Chavez!", à la marée des automobilistes enchevêtrés dans un embouteillage monstre, calmant les impatients, régulant avec le sourire le flot de circulation une fois leur protestation terminée.

Caracas, sous le verre et le béton, une apparence de modernité, près de 5 millions d'habitants. Une géographie sociale est-ouest s'y dessine franchement. D'un côté (à l'est), les quartiers " riches " où siège une néo-féodalité fermée sur elle-même, conservant de forts liens de dépendance et de paternalisme, détentrice de l'argent, du pétrole, des médias, et du pouvoir pendant quarante ans ; de l'autre (à l'ouest), les quartiers " pauvres ", " le grand ouest ", avec 70 % de la population de Caracas, dit en griffonnant un schéma Victor Mesa, cadre d'une société d'assurance américaine, AIG. Pour Victor, qui pour rien au monde ne quitterait son grand ouest, fût-il pauvre, c'est là " le Venezuela réel " si l'on tient compte que la population vénézuélienne (24 millions d'habitants) est concentrée dans la capitale et dans les deux Etats centraux de la côte. C'est aussi dans cette partie de Caracas que se trouvent le palais présidentiel de Miraflores et le Congrès, les hauts lieux ! symbolisant le pouvoir conquis par les classes populaires.

" La grève ? Il ne faut quand même pas inverser les rôles. Pour un peu la droite serait la victime. Et nous, nous serions les conspirateurs. Or ce sont nous les mandants. C'est à nous que Chavez doit rendre des comptes ", s'insurge Oscar Rengifo, commerçant en systèmes de purification des eaux. Oscar a sa petite idée sur ce que tout le monde ici appelle " la crise " : " Pendant de nombreuses années nous avons vécu sur la rente pétrolière sans nous préoccuper de la masse des laissés-pour-compte. " Les oubliés du pétrole ? Preuve du mépris des anciennes classes dirigeantes, l'outil statistique reste approximatif. La pauvreté toucherait 80 % de la population vénézuélienne avec comme corollaire le développement du sous-emploi, du chômage et de l'économie informelle. Bien qu'il ait chuté depuis le début des années quatre-vingt, le PIB (produit national brut) par habitant reste cependant supérieur à la moyenne des pays latino-américains. · Caracas il n'y a pas ces bidonvilles lépreux de Sao Paulo ou Buenos Aires, mais des petites maisons de briques peintes de couleurs vives, perchées sur les flancs escarpés de la montagne Avila.

Le "barrio" est devenu un véritable forum à ciel ouvert

Et puis il y a les rues que les habitants du " barrio " ont conquises, l'une après l'autre. C'est un va-et-vient permanent, un énorme marché, où les petits vendeurs ayant gagné le respect depuis l'arrivée de Hugo Chavez occupent le moindre espace de trottoir. C'est également un véritable forum à ciel ouvert aux fortes intonations où désormais le mouvement politique et social prend forme et se décide, un peu à la manière des assemblées populaires argentines. · l'épreuve de la rue le petit peuple avait fait échec au coup d'Etat d'avril 2002 ; sous la pression actuelle de la droite, presque exclusivement mue par le désir de " chasser " Chavez, la mobilisation ne faillit pas, on se réunit pour faire corps ou on manifeste en masse dès que la situation l'exige pour défendre " le Négrito ". " Si nous ne le faisons pas, la droite aura atteint son but. Notre chance aura tourné, et nous ne savons pas après ce qu'il peut se passer ", s'inquiète Pedro Pablo, étudiant en infor! matique, qui reproche cependant à Chavez d'avoir renoncé aux grandes réformes sociales, à l'origine du complot de la droite, d'avoir été trop conciliant avec les " putschistes d'avril ", ou encore de laisser faire le pilonnage médiatique de télés privées comme Meridiano TV (chaîne sportive) qui fomente en direct des coups d'Etat permanent, passe en boucle des appels à la désobéissance civile, distille sans compter les messages subliminaux comme : " Vous mentez Monsieur le président. "

Beaucoup, comme Pedro Pablo, sont préoccupés de la lenteur d'un Etat peu enclin à mettre en ouvre pleinement la réforme agraire de redistribution des terres où " comme des fourmis on essaie de faire avancer les choses dans un corps étranger ", explique Gladys Vivas, coordonnatrice du développement agraire à l'Institut des terres, faisant ainsi allusion aux structures bureaucratiques héritées du passé et aux fonctionnaires laissés en place. Aux paysans, même si officiellement cela n'est pas permis de le dire, il est recommandé de prendre eux-mêmes les terres. Toute une culture d'anticipation se met en place pour mettre le gouvernement face à ses responsabilités, au diapason d'irrépressibles attentes sociales.

Dans le quartier de Manicomio, sur l'un des versants de la montagne au nord-ouest, on se bat pour l'école Juan-Bautista. La communauté des habitants a paré au plus pressé pour pallier les absences des enseignants en grève depuis décembre en proposant aide et assistance à cette école de 400 élèves (réunissant les primaires et les secondaires), et ce qu'elle a découvert à l'intérieur de l'établissement, comme si pour la première fois elle ouvrait les yeux, l'a effaré : fils électriques à nu, infiltrations d'eau, tables et chaises détériorées, toilettes insalubres et hors d'usage, ainsi qu'une salle verrouillée à double tour renfermant un véritable trésor de guerre, comme des uniformes et des chaussures offerts par l'Etat, et jamais distribués aux élèves, ou que la directrice revendait 5 000 bolivares pièce. " Depuis une quinzaine de jours, les membres de la communauté ont pris possession de l'école, la nettoyant et la rénovant salle après salle, chacun participant selon ses c! ompétences. Nous le faisons gratis ", lance avec insistance Freddy Borges, technicien supérieur en télécommunication et grand ordonnateur des travaux. Par la volonté des habitants, et des aides de la mairie, entre autres, l'école vert et blanc n'a pas fermé. Reste un lourd contentieux à régler pour cette communauté " à 100 % " derrière Chavez, celui des maîtres absents : " Par adhésion aux idées de l'opposition, par désintérêt, ou par crainte car la directrice a le pouvoir de bloquer leur salaire qu'ils continuent de percevoir, les maîtres ne viennent pas. Les enfants fortement pénalisés par l'analphabétisme sont victimes d'une anormalité quand l'école devrait être un lieu d'espérance ", confie avec amertume Yajaira Casseres, l'une des quatre maîtresses restées fidèles à leur poste.

Les "casserolades des quartiers est"

La solitude des quartiers est cette fois est rompue par le tumulte des manifestations quasi quotidiennes et des " casserolades " improvisées. Un soir, à Santa Fé, respirant de verdure et de relative opulence, on a interrompu par petites grappes humaines le trafic sur l'autoroute. Il flotte dans l'air un mépris de ce président " noir ", tout à la fois dictateur, populiste, crypto-castriste, dont la chute éliminerait tous les problèmes. De ce côté-ci, on ne pardonne pas au " lider " de la révolution bolivarienne, au verbe réactif, qui aime occuper le devant de la scène, d'avoir pris de front les partis et les syndicats traditionnels, l'Action démocratique (sociale-démocrate), la Copei (démocrate chrétienne), ou la CTV (Centrale des travailleurs vénézuéliens), triade de l'actuelle opposition qui tente de se refaire une virginité avec la Coordination démocratique. Et quoi que signifie cette démocratie participative taillant des croupières à la démocratie représentative ? " Bolivar c'est bien. Mais la référence est lointaine, hors du temps, c'est un habit idéologique, un discours patriotique commode à un changement avant tout ch viste ", nous dit, sûre d'elle-même, Maria Leal, membres des fougueuses " Mères pour la liberté " et professeur de géographie. Cependant, le temps passe, déjouant les pronostics d'une fin de Chavez qu'ici on croit proche. Car le petit peuple vénézuélien, lui, continue à avancer d'un pas résolu et à résister avec fierté. Chavez est leur " Négrito ".

 

source : http://www.humanite.presse.fr/journal/jour.html