Chavez, une étoile
filante à Porto Alegre
Bernard Duraud, L'Humanité,
France - 28.01.03.
Porto Alegre (Brésil), envoyé spécial.
Le président vénézuélien
Hugo Chavez n'était pas invité officiellement au Forum social mondial,
mais son passage éclair à Porto Alegre a créé l'événement
dimanche après-midi. Pendant les quelque onze heures qu'il a passées
dans la capitale du Rio Grande do Sul, le président vénézuélien
a rencontré les autorités locales, notamment le nouveau gouverneur
Germano Rigotto. Il a été acclamé et applaudi par des centaines
de manifestants, répondant aux questions, s'exprimant pendant près
de deux heures avant de s'en retourner au Venezuela "où, a-t-il dit,
il n'y a pas de grève mais où existe un sabotage" orchestré
par l'oligarchie.
"Je ne salue ici ceux
qui sont venus pour me rencontrer", a-t-il lancé à un public
de partisans et de curieux. Il y avait là Tariq Ali, l'écrivain
pakistanais, Perez Esquivel, le Nobel de la paix argentin, les Français
Bernard Cassen, directeur du Monde diplomatique et Danielle Mitterrand. En moins
d'un mois, Chavez vient d'effectuer sa troisième visite au Brésil
et c'est une couronne d'éloges qu'il a offert aux altermondialistes. "Ici
je me sens comme dans ma propre patrie." Dans son discours fleuve, il leur
a dit : "Vous ici et nous au Venezuela nous essayons de faire advenir une
alternative au néolibéralisme qui détruit le monde."
Il a critiqué le
Fonds monétaire international (FMI) et cité son ami "Fidel"
pour dire que la dette externe de son pays était "immorale".
Il a déclaré qu'il proposerait bientôt l'instauration d'une
taxe sur les transactions financières au Venezuela, évoquant "une
sorte de taxe Tobin" du nom de l'économiste américain, pour
atténuer la volatilité des marchés.
Le président vénézuélien,
confronté depuis huit semaines à une grève d'usure de l'opposition,
affectant l'activité pétrolière, s'est dit optimiste sur
les chances d'un retour à la "normale" d'ici la fin du premier
trimestre, la production de barils/jour étant actuellement revenue à
la moitié de son niveau habituel. Il n'a pas écarté la possibilité
de solliciter une aide technique de la compagnie pétrolière brésilienne
Petrobras. Enfin, il a précisé que le gouvernement avait démis
de leur fonction 3 400 cadres de l'entreprise pétrolière nationale
PDVSA, qui sont à l'origine de la grève depuis le 2 décembre
dernier. Pour en contrer l'impact financier, Chavez a précisé qu'outre
des restrictions envisagées au change de devises, pour limiter les demandes
en dollars son gouvernement devrait imposer un contrôle des prix.
Hugo Chavez a, à
nouveau, exclu des élections anticipées, que réclame l'opposition
de droite, réaffirmant que ses adversaires devraient attendre le mois d'août,
date à laquelle la Constitution autorise l'organisation d'un référendum.
La bonne nouvelle est venu, une fois n'est pas coutume, du tribunal suprême
de justice, dont un arrêt vient de suspendre l'organisation d'un référendum
consultatif sur le mandat du président honni que la Coordination démocratique
réclamait pour le 2 février. Citant le "Che" il a affirmé
que si des mouvements comme le sien (le mouvement bolivarien) ne pouvaient pas
vivre en paix en Amérique latine, "alors le son du combat et des mitrailleuses
commencera à retentir". Une inquiétude d'une possible dérive,
plutôt qu'une menace alors que le conflit a exacerbé les tensions
si perceptibles à Caracas. Prêt à accepter une aide du "groupe
des pays amis" du Venezuela créé à l'initiative du Brésil,
Chavez s'est montré moins prolixe : "J'appuie l'établissement
d'un dialogue. Il est bienvenu. Mais au final les décisions du pays appartiennent
aux vénézuéliens."
Les "anti-chavistes",
eux continuent leur entreprise de sape. Dimanche ils ont recueilli des signatures
en faveur d'une pétition visant à amender la Constitution en vue
d'instaurer des élections anticipées. La popularité de Chavez,
transformé dimanche à Porto Alegre en véritable historien
de la "révolution bolivarienne" au Venezuela, restera-t-elle
intacte après cette épreuve de force? Les classes populaires jusqu'ici
n'ont pas failli dans leur soutien, se mobilisant par centaines de milliers de
personnes le 23 janvier dernier, pour ce qui restera une manifestation monstre
dans les rues de la capitale vénézuélienne. Porto Alegre,
ceux qui sont venus défendre le président élu par les urnes
sont aussi venus défendre la démocratie fût-elle "bolivarienne"
et que Hugo Chavez, avare de condensé, a pour une fois résumé
en deux mots : "liberté et égalité", c'est-à-dire
la souveraineté nationale et la justice pour les pauvres.
source : http://www.humanite.presse.fr/journal/jour.html